Le 17 mai, le Journal officiel de l'Union européenne a publié une nouvelle directive sur le droit d'auteur dans le marché unique numérique. La directive contient plusieurs dispositions et le texte ne se concentre pas spécifiquement sur un seul sujet. Par conséquent, l'entreprise a un besoin urgent de lire ce nouveau texte! Essayons de le voir plus clairement.
Conséquences et impacts pour les entreprises.
1. Éditeurs de presse.
Évidemment, les rédacteurs en chef (Rossel, Roularta, Le Monde, etc.) auront une base légale, comme la négociation de son service GoogleNews avec Google. Les éditeurs d'actualités pourront négocier avec des plateformes telles que GoogleNews, et ils pourront également négocier avec Facebook, LinkedIn ou Twitter pour utiliser leurs publications d'actualités en ligne. Évidemment, la première chose qui me vient à l'esprit est GoogleNews, mais les autres plates-formes que nous venons de mentionner ont également retenu l'attention car elles ne bénéficieront pas de l'exception mentionnée dans la directive. En effet, le texte européen évoque trois situations où les éditeurs ne pourront pas négocier: Publications de nouvelles pour les utilisateurs personnels (que ces utilisations soient à des fins privées ou non commerciales) L'acte de créer un lien vers un hyperlien; des informations sur l'utilisation de mots simples ou de très brefs extraits d'extraits d'actualités.
La licence a un champ d’application très étroit :
1. Elle ne concernera plus les articles qui auront plus de deux ans d’existence (le droit voisin des éditeurs a donc une durée d’existence très court à l’inverse des droits des auteurs qui s’éteignent 70 ans après leur décès) ;
2. Elle ne s’appliquera pas aux publications de presse publiées pour la première fois avant la date d’entrée en vigueur de la directive.
La rémunération perçue par les éditeurs de presse devra être partagée avec les auteurs. En effet, la directive prévoit que ces derniers devront en recevoir « une part appropriée ». Que recouvre cette expression, nul ne le sait pour l’instant…
2. Producteurs audiovisuels.
La disposition phare de la directive !
Dorénavant, les producteurs audiovisuels pourront négocier des licences avec les « fournisseurs de services de partage de contenus en ligne » pour les actes de communication au public que ces fournisseurs réalisent. Il s’agit des YouTube et DailyMotion mais non les Wikipedia, les Dropbox, les ebay.
Dans le cas où ces plateformes de partage refusent de conclure des accords, elles pourraient voir engager leur responsabilité (sous certaines conditions).
3. Éditeurs de livres, producteurs et SVOD.
Les éditeurs de livres estiment que leurs droits sont limités en créant de nouvelles possibilités pour les chercheurs, les institutions culturelles, les établissements d'enseignement et les auteurs de livres. D'autre part, en raison de l'élargissement des licences collectives, les éditeurs (de journaux et de livres) et les producteurs d'œuvres audiovisuelles peuvent bénéficier de nouvelles possibilités.
a) Chercheurs scientifiques
Les organismes de recherche et les institutions du patrimoine culturel pourront procéder, à des fins de recherche scientifique, à des fouilles de textes et de données (“text&data mining”) sur des corpus de documentation auxquels ils ont déjà accès de manière licite.
Qui est concerné par cette possibilité ?
Les bibliothèques accessibles au public, les musées, les archives et les institutions dépositaires d’un patrimoine cinématographique ou sonore.
Qu’est-ce que la fouille de textes et de données ?
Il s’agit des techniques d’analyse automatisée visant à analyser des textes et des données numériques afin d’en dégager des informations (des constantes, des tendances, des corrélations, etc.).
Auparavant, les éditeurs considéraient qu’ils pouvaient aussi facturer la réalisation de cette activité par les chercheurs. Dorénavant, la fouille de textes et de données pourra être réalisée sans augmentation de la licence octroyant l’accès aux documents.
b) Les établissements d’enseignement.
Les Etats membres pourront prévoir que les établissements d’enseignement peuvent utiliser numériquement tout matériel d’enseignement (et ce même à titre gratuit si l’Etat membre en décide ainsi).
Cette utilisation est toutefois très encadrée :
elle ne peut avoir pour but qu’à des fins exclusives d’illustration dans le cadre de l’enseignement ;
dans la mesure justifiée par le but non commercial poursuivi par l’établissement d’enseignement ;
l’utilisation ait lieu sous la responsabilité de l’établissement d’enseignement, dans ses locaux ou dans d’autres lieux ;
ou au moyen d’un environnement électronique sécurisé accessible uniquement aux élèves, aux étudiants et au personnel enseignant de cet établissement.
En fonction du choix futur du législateur national, les éditeurs ne pourront peut-être plus dans le futur conclure des licences avec les établissements d’enseignement pour de telles utilisations.
c) Éditeurs et producteurs
La directive étend dans toute l’Europe le système des licences collectives étendues qui fonctionnent depuis de nombreuses années dans les pays nordiques.
Ce système permet aux sociétés de gestion de conclure des accords dans des domaines d’utilisations bien définis. Ces accords concernent les membres de la société de gestion en question mais, de par une fiction juridique, s’étend aux non membres de la société de gestion. La licence doit recevoir une certaine publicité pour avertir ces non membres et leur permettre de demander la sortie de leurs œuvres de ladite licence. La licence ne peut être conclue que par une société de gestion qui est « suffisamment » représentative de la catégorie d’œuvres concernées.
Les licences collectives étendues sont utilisées dans les pays nordiques pour toute sorte d’utilisation : numérisation de masse, utilisation audiovisuelle.
Selon la loi nationale de transposition de la directive, il se pourrait que de nouvelles opportunités de licences s’ouvrent aux producteurs et aux éditeurs pour permettre, par exemple, une utilisation commerciale plus poussée de leurs archives.
d) Les plateformes de vidéo à la demande
La directive prévoit des mesures de facilitation pour les entreprises qui veulent ouvrir des plateformes de vidéo à la demande.
En effet, les Etats membres devront faire en sorte que, dans le cas où ces entreprises rencontrent des difficultés en matière d’octroi de licences de droits, puissent recourir à l’assistance d’un organisme impartial ou de médiateurs. L’organisme impartial établi ou désigné par l’Etat membre et les médiateurs devront apporter leur assistance aux différentes parties en cause dans la négociation et les aider à aboutir à un accord, y compris, le cas échéant, en leur soumettant des propositions.
e) Auteurs et artistes.
Les entreprises audiovisuelles, les producteurs de disque ainsi que les éditeurs de livres et de presse devront revoir les contrats qui les lient avec leurs auteurs ou artistes.
En effet, la directive prévoit dorénavant que :
"Lorsque les auteurs et les artistes interprètes ou exécutants ont octroyé sous licence ou lorsqu’ils ont transféré leurs droits exclusifs pour l’exploitation de leurs œuvres ou autres objets protégés à un cocontractant, ils ont le droit de percevoir une rémunération « appropriée et proportionnelle ».
Ce que recouvre cette expression n’est pas encore connue. L’Etat membre va-t-il fixer un pourcentage minimum ? Va-t-elle laisser les parties décider de cette rémunération appropriée et proportionnelle (et donc le juge in fine) ?
Les auteurs et les artistes devront recevoir annuellement des informations sur les exploitations de leurs œuvres.
La directive introduit aussi ce que l’on appelle la clause de succès :
L’Etat membre devra veiller à :
« Ce que les auteurs et les artistes interprètes ou exécutants ou leurs représentants aient le droit de réclamer à la partie avec laquelle ils ont conclu un contrat d’exploitation des droits ou aux ayants droits de cette partie, une rémunération supplémentaire appropriée et juste lorsque la rémunération initialement convenue se révèle exagérément faible par rapport à l’ensemble des revenus ultérieurement tirés de l’exploitation des œuvres ou des interprétations ou exécutions. ».
Ce mécanisme ne jouera pas s’il existe accord collectif applicable prévoyant un mécanisme comparable. Ce sera donc une analyse au cas par cas.
Enfin, le texte européen obligera les producteurs et les éditeurs à utiliser effectivement des œuvres qui ont fait l'objet d'une licence ou d'un transfert. En effet, s'ils ne développent pas l'œuvre, alors les écrivains et les artistes pourront demander à ce que leur œuvre soit restaurée (retrait d'autorisation). Les États membres peuvent gérer l'exercice de ce droit de rétractation au fil du temps.
Conclusion
Que vous soyez auteur ou artiste, un chercheur ou un enseignant, un gérant d’un musée ou d’une institution culturelle, une société gérant une plateforme en ligne permettant le partage de contenus ou un éditeur de presse, etc. ne tardez pas à vous renseigner sur le texte européen !